lundi 10 novembre 2014

Et lui, si :

 
Nikolaï Tcherkassov dans Ivan le terrible d'Eisenstein


- Pourquoi lui ? Pourquoi pas eux, vous voulez savoir ? Eh bien, voilà - oubliez un moment que vous portez des lunettes sur votre nez, et de l'au-tomne dans votre cœur. Arrêtez de faire du scandale assis à votre bureau et de balbutier devant les gens. Imaginez-vous un instant que vous faites du tapage sur les places publiques et que vous balbutiez sur le papier. Vous êtes un tigre, vous  êtes un lion, vous êtes un chat. Vous pouvez passer la nuit avec une femme russe, et cette femme russe restera contente de vous. Vous avez vingt-cinq ans. Si des anneaux étaient accrochés au ciel et à la terre vous attraperiez ces anneaux et vous pourriez tirer le ciel vers la terre. Et votre paternel, c'est Mendel Krik, le charretier. Et un paternel comme ça, ça pense dans quel sens ? ça pense dans le sens de boire un bon coup de vodka, de mettre son poing dans la tronche de quelqu'un, dans le sens de ses chevaux, et dans le sens de rien d'autre. Vous, vous voulez vivre, et lui, il vous oblige à mourir vingt fois par jour. Qu'est-ce que vous auriez fait à la place de Bénia Krik ? Vous, vous n'auriez rien fait. Et lui, si. Parce que, lui, c'était un roi, et vous, vous rongez votre frein.
Isaac Babel, Récits d'Odessa, traduit du russe par Irène Markowicz, vers 1920



Pyotr Mamonov dans Tsar de Pavel Lungin