mercredi 11 septembre 2013

Si toutes choses pouvaient être dénombrées :





Il ferma les yeux.
Trouva la surface striée du bouton de marche.
Et dans l'obscurité rouge sang derrière ses paupières, des phosphènes d'argent jaillies en bouillonnant de la lisière de l'espace, images hypnagogiques qui passent en tressautant tel un film compilé à partir de photos prises au hasard. Symboles, chiffres, visages : mandala brouillé, fragmenté d'information visuelles.
(...)
Progression exponentielle...
Les ténèbres tombèrent de toutes parts, une sphère de ténèbres brasillantes, pression sur le cristal distendu des nerfs de cet univers de données qu'il était pratiquement devenu...
Et lorsqu'il ne fut plus rien, compressé au cœur même de toute cette obscurité, vint un point où l'obscurité ne pouvant plus s'accroître, quelque chose se déchira.
Le programme Kuang jaillit du nuage sombre, la conscience de Case se divisa comme autant de gouttelettes de mercure, décrivant un arc au-dessus d'une plage infinie  de la couleur des nuages d'argent terni. Sa vision était spérique, comme si une rétine unique recouvrait la surface intérieure d'un globe qui contenait toutes choses, si toutes choses pouvaient être dénombrées.
William Gibson, Neuromancien, 1984