mardi 21 mai 2013

Si l’émotion voulait s’y prêter :


Hans Bellmer - La poupée                                                                                                                                                : + :



Un ange passe

Tard dans la nuit, seul face à moi, je & moi-même
Peu convaincu par cette pénible scène
Juste la lune, & les longs couloirs de l’angoisse
Tourner en rond, voir le temps qui s’efface
Penser à l’une, à l’autre, aux autres & à l’effort
De concevoir un esprit assez fort
Une idée pure, un peu plus belle de la chair
Camouflée derrière ce masque de fer
À l’abondance, la danse des souvenirs froids
De ces nuits chaudes s’insinue en moi
Dans le miroir, deux yeux verts brillent & me rappellent
Les deux visages arborés par ma belle

Relever un autre défi
Condamner un autre pari
Sans cesse un ange passe & me rend silencieux
Déception séduisante qui me rend furieux
Lassante ambition mensongère
Que cette fuite de la mer
Peut-être devrais-je renoncer
Si le printemps voulait s’y prêter

Soirées d’été, soirées d’intense & de désirs
Tâchant ici de fonder un empire
Tant de visages, vite embrassés, vite oubliés
& ces corps blancs, décevants, accueillants
Sans une quête, à quoi se mesure la vie ?
L'enquête dira quelle est mon envie
Penser à l’une, être déjà dans la suivante
Le temps d’une aversion trop captivante
À les entendre, il s’agirait du septième ciel
Alors qu’il s’agit juste d’un bon miel
Mieux vaut mentir, & être un menteur sublimé
Qu’avouer si cruelle vérité

S’embourber dans un jeu d'ego
& ne plus jouer aux legos
Sans cesse un ange passe & me rend ambitieux
Vision hallucinante & instant litigieux
Lassante pulsion d'espérance
D’un autre voyage à Florence
Peut-être voudrais-je renoncer
Si l’émotion voulait s’y prêter

Tout ça pour ça, voudrait me dicter la raison
« VIENS avec moi » me dictent leurs saisons
J’entends la voix, & je m’incline pour connaître
Cet amour qui, peut-être, m’a fait naître
« Aime-moi vite, montre-moi tes secrets d’état »
Les secrets d’état d’âme ne comptent pas
Dans ce flot-là, qu’importe de vouloir mourir
Mieux vaut rester une statue de cire
Juste rentrer, se persuader de l’aimer
Faire le boulot, surtout ne pas crier
Peut-être un jour, je verrai la fin des tunnels
Il faudra bien que je me lasse d’elles

S’amouracher d’une hirondelle
& souvent se brûler les ailes
Sans cesse un ange passe & me ment par ses formes
Des fois qu’elle serait elle, je me déguise en homme
Bandante est la métamorphose
Trop souvent lassante est la chose
Peut-être oserais-je renoncer
Si l’âme sœur voulait s’y prêter

Oh ! mon ange, délivre-moi de ces folles…
 Shaomi, fragments nocturnes, : + :


Hans Bellmer - 12 doublée de satin blanc ... -  1938-1949