mercredi 9 mai 2012

Ayez pitié des monstres :


Encarnação do Demônio by Guilherme Marcondes 2008


Florence
(pour Mary McCarthy)

J’ai la nostalgie de l’encre noire
des seiches, Avril, des communistes
et des bordels de Florence —
tout, même les fées
anglaises qui hantaient les collines,
même les frissons et la fièvre
qui venaient chaque mois
et m’obligeaient à penser.
La pomme était là-bas plus humaine qu’ici,
mais il fallait longtemps pour que mûrisse
sa peau éblouissante et dorée.

Que les crabes étaient vulnérables,
raclant le fond comme des fers à repasser
dans leur antique armure
avec un rostre en forme de glaïeul,
faits pour qu’un enfant les prenne
et les jette, suffoquant, sur la berge !
Oh Florence, Florence, patronne
des aimables tyrannicides !
Où la tour du Palazzo Vecchio
perce le ciel
comme une aiguille hypodermique,
Persée, David et Judith,
les seigneurs et les dames du Sang,
au-dessus de l’informe
demi-dieux grecs de la Croix,
se dressent le glaive à la main
décapitation velue
de monstres, baquets d’entrailles,
décevante pâtée pour la meute.
Ayez pitié des monstres !
Ayez pitié des monstres !
Peut-être choisit-on toujours le mauvais côté —
Ah, avoir connu, avoir aimé
trop de David et de Judith !
Mon cœur pour le monstre saigne d’un sang noir.
J’ai vu la Gorgone.
La terreur érotique
de son corps sans défense, aux gros seins,
gisait comme une boue.
Les yeux louches, pétrifiant le tyran,
sa tête coupée pendait
comme une lampe à la main du vainqueur.

Robert Lowell, Pour les morts de l’Union, édition bilingue, traduit par Pierre Alien, Christian Bourgois, 1970.

Book of Blood - 2011 - John Harrison

Florence
(For Mary McCarthy)

I long for the black ink
cuttlefish, April, Communists
and brothels of Florence –
everything, even the British
fairies who haunted the hills,
even the chills end fever
that came once a month
and forced me to think.
The apple was more human there than here,
but it took a long time for the blinding
golden rind to mellow.

How vulnerable the horseshoe crabs
dredging the bottom like flat-irons
in their antique armor,
with their swordgrass backbone tails,
made for a child to grab
and throw strangling ashore !
Oh Florence, Florence, patroness
of the lovely tyranicides !
Where the tower of the Old Palace
pierces the sky
like a hypodermic needle,
Perseus, David and Judith,
lords and ladies of the Blood,
Greek demi-gods of the Cross,
rise sword in hand
above the unshaven,
formless decapitation
of the monsters, tube of guts,
mortifying chunks for the pack,
Pity the monsters !
Pity the monsters !
Perhaps, one always took the wrong side…
Ah, to have known, to have loved
too many Davids and Judiths !
My heart bleeds black blood for the monster,
I have seen the Gorgon.
The erotic terror
of her helpless, big bosomed body
lay like slop.
Wall-eyed, staring the despot to stone,
her severed head swung
like a lantern in the victor’s hand.

Robert Lowell, For the Union Dead, Farrar, Strauss & Giroux, New-York, 1964.

Encarnacao do demonio - film d'horreur brésilien de José Mojica Marins, 2008